Aaron avait voyagé seul dans un compartiment du train mais n'en avait pas souffert, car il préférait la solitude à la compagnie d'enfants surexcités qui lui aurait donné mal à la tête. Il n'avait jamais trop apprécié les garçons et filles de son âge, les jugeant trop immatures ou simplement stupides. Et surtout, inutiles, car ils n'avaient jamais rien à lui apporter qui puisse lui être utile par la suite. Aussi se mettait-il de lui-même à l'écart. Il avait suivi les autres silencieusement, et n'avait pas dit un mot durant la traversée en barque qu'il avait effectuée en compagnie de deux élèves qui étaient partis à Gryffondor. Il ne s'était pas émerveillé du mince aperçu de l'immense château qui allait être comme une seconde maison pour tous les élèves pour l'année, il s'était contenté d'avancer. Et encore, lorsqu'il avait posé le Choixpeau sur sa tête et que celui-ci avait crié "Serdaigle !", il n'avait pas esquissé un sourire. Il s'était dirigé vers la table qui applaudissait, avec une moue de dédain. Qu'avaient-ils donc tous à faire autant de bruit ? Ne pouvaient-ils pas rester tranquilles un instant ? Il leur jeta un regard noir qui en fit taire certain, mais quelques élèves beaucoup plus âgés en rirent de bon coeur. Aaron les ignora dignement et s'assit lentement à une place laissée vide en prévision des nouveaux première année.
Tandis que la plupart des élèves se délectaient des nombreux plats qui étaient apparus sur les tables des quatre maisons, Aaron ne touchait pas à ses couverts et se contentait d'observer. A sa droite, il y avait un garçon et une fille qui semblaient se connaître. Le garçon avait des cheveux brun roux, des yeux bleu clair et portait comme tout le monde la robe obligatoire. En revanche, il avait ajouté à cette tenue un unique gant sans doigts à la main gauche. Aaron leva les yeux au ciel, ou plutôt au plafond magique. Quelle utilité pouvait-il y avoir à porter non seulement un seul gant mais en plus sans doigts ? La fille était bien ordinaire d'après Aaron, aussi ne s'attarda-t-il pas sur elle.
Il regarda à nouveau la nourriture. Jamais il n'avait vu autant de plats différents en un même endroit. Il ne savait pas ce qu'étaient la plupart des choses qui leur étaient proposées. Là où il vivait avant, dans l'orphelinat de Londres, les repas étaient bien maigres et se résumaient en général à quelques légumes peu ragoûtants et, lorsqu'ils avaient de la chance, un morceau de viande quelconque qu'ils partageaient entre les treize enfants. Cette année, trois étaient partis, dont Aaron. La coutume était de les envoyer dans des collèges différents, et il savait sa chance d'être à Poudlard, car l'un des deux autres était allé à Durmstrang, et l'autre à Beauxbâtons. Ni l'un ni l'autre ne parlait la langue du pays dans lequel se situait leur école, et Aaron était heureux que Poudlard soit en Angleterre.
La vue de tant de nourriture lui faisait envie mais en même temps le rendait malade, il n'avait pas l'habitude d'avoir autant à sa disposition. Il finit par prendre son assiette pour se servir de tout ce qu'il pouvait. Lorsqu'il reposa son assiette devant lui et qu'il prit lentement sa fourchette pour commencer à manger, il eut une pensée pour ses camarades de l'orphelinat qui ne devaient pas avoir grand chose ce soir là. Néanmoins, sa pensée ne fut pas très compatissante, car Aaron avait toujours détesté ces enfants pleurnichards. Tout en mangeant d'une façon digne de son appartenance à la race elfique, il esquissa un sourire puis se replongea dans ses pensées mauvaises.
Il était certain qu'il ne manquait à personne là où il était. Car même si l'orphelinat comptait une dizaine d'enfants sorciers de tout âge, Aaron avait toujours été mis à part, peut-être pour son aspect étrange, son caractère particulier. Ou peut-être qu'il s'était lui-même mis à l'écart, considérant les autres inférieurs, comme un roi sur son trône immense, dépassant de hauts les misérables être humains qu'ils étaient. Il n'y avait que la vieille Tante Jeanne qui parvenait à parler avec lui. Elle en avait peur, comme les autres et Aaron en avait bien pris conscience. Ici, ce serait probablement différent, se disait le garçon. Premièrement parce que cette année, il serait parmis les plus jeunes, et que personne ne pourrait empêcher des plus âgés de lui lancer un sort si l'envie leur en prenait. Deuxièmement, Aaron espérait que tous ces élèves valaient mieux que les orphelins avec qui il avait grandi. Il savait qu'il se faisait certainement de vains espoirs, mais il aurait aimé avoir quelqu'un sur qui compter pour une fois dans sa vie.
Les plats disparurent soudain pour faire place aux desserts, et Aaron se servit avec avidité cette fois-ci. Il ne se laissa cependant pas aller à se goinfrer, cela aurait été trop ridicule. Lorsqu'ils eurent disparu à leurs tours, les élèves étant suffisamment rassasié, on annonça que les professeurs allaient diriger les élèves de leurs maisons respectives jusqu'aux dortoirs. Le garçon tourna alors ses yeux gris vers la table des professeurs. Lequel était-ce, déjà, celui qui devait s'occupait de leur maison ? Il n'arrivait pas à s'en souvenir, mais de toute façon il s'en aperceverait bientôt. Il attendit patiamment, assis bien droit sur le banc.